Antiquarks newsletter novembre 2021

LA FORMIDABLE INTENSITÉ EXPRESSIVE DE L’ACTE DÉSINTÉRESSÉ

En ce début de saison 2021-2022, la Cie Antiquarks, accompagnée par toute l’équipe Coin Coin Productions, est sur le point de concrétiser de nombreuses créations artistiques et des événements liés à la vie associative. Nous portons notre regard vers ce qui est à venir, toujours enthousiastes à l’idée de vous annoncer les tournées, clips et nouveaux répertoires des prochains mois.

En attendant la sortie de notre prochain album, nous proposons une (re)découverte de notre univers musical depuis ses débuts par des compilations thématiques qui mettent en valeur nos influences et affinités avec les cultures musicales, artistiques et littéraires du vaste monde.
Créole Attitude” est une sélection de nos musiques ayant un lien de parenté avec nos frères et sœurs des Antilles avec qui nous partageons leur expression favorite : “Tchimbé red, pa moli” (Tiens bon, n’abandonne pas).

Une conduite qui nourrit nos petits corps fragiles et ranime le flambeau des gais savoirs.

Nous traquons toujours les informations pertinentes ou les compréhensions éclairées mais n’avons plus grand chose à espérer du monde des médias, de la politique ou de l’industrie culturelle grisé par les récompenses de la société du spectacle, épris du fait divers qui “fait diversion” (Bourdieu). La vénération pour l’art du storytelling, le spectre du développement personnel et ses « tyrannies de l’intimité » (Richard Sennett, 1979) oppressent les facultés cognitives de l’individu, brident le débat public et démocratique, enjoignent à « être soi » en malmenant les autres, justifient la tentation narcissique et la fièvre identitaire.
Attentifs aux dégâts causés par les prophètes de fin de notre monde, influenceurs, responsables irresponsables ou fanatiques du « grand remplacement » (ultra-nationalisme, xénophobie ou, en d’autres temps, la limpieza de sangre catholique), notre pratique professionnelle s’appuie sur une philosophie de l’action, elle-même fondée sur les liens d’affections qui unissent les hommes dans le vivant« Les relations amicales, intellectuelles et affectives nouées sur le terrain prouvent que les clivages culturels ne sont que des tigres de papier » (Alban Bensa, La fin de l’exotisme, 2006).
Il est clair que la reconnaissance mutuelle et la compréhension réciproque n’ont jamais eu pour effet de supprimer ou mettre en danger mon identité. Au contraire. L’une et l’autre facilitent une double émancipation culturelle, individuelle et collective, vécue comme la réalisation d’un avenir dans le présent. Nos objets de création parlent de notre relation à l’autre et n’hésitent pas à se nourrir de sa relation au monde, son monde, sa cosmogonie, sa connaissance, son langage spirituel et social.
Depuis que l’ethnologie s’est définitivement débarrassée du colonialisme, elle incarne un nouvel humanisme capable d’opérer une conversion du regard pour transformer l’étranger en familier – et inversement. « En cherchant son inspiration au sein des sociétés les plus humbles et les plus méprisées, elle proclame que rien d’humain ne saurait être étranger à l’homme, et fonde ainsi un humanisme démocratique (…) Et en mobilisant des méthodes et des techniques empruntées à toutes les sciences pour les faire servir à la connaissance de l’homme, elle appelle à la réconciliation de l’homme et de la nature, dans un humanisme généralisé. » (Claude Lévi-Strauss, « Les trois humanismes, 1956).

Lorsque les arts et les lettres s’arment du regard compréhensif et critique des sciences sociales et s’écartent des compromissions avec les pouvoirs du moment et de la mode, les propositions sont assurément fécondes. Nous savons aussi qu’elles sont fragiles.

L’altérité, curieusement, porte vers un ailleurs qui peut rendre la vie à nouveau désirable. Les relations chaleureuses partagées sur le terrain nous convainquent en effet que les publics, artistes et acteurs de la vie culturelle savent construire ensemble un espace d’émancipation réel et relationnel.  La relation à soi, à l’autre et au monde est un exercice spirituel, trêve miraculeuse et posture éthique de la considération de l’être au monde, dans un monde toujours étrange, mais familier, digne et courageux. L’acte (de création) désintéressé, généreusement critique, améliorera toujours les conditions sociales de possibilités d’une formidable intensité expressive.

Et c’est précisément pour cela que nous le protégeons et le chérissons.

Tchimbé red, pa moli !

Richard Monségu

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Pour ce mois-ci :

#1 — Sortie de Créole Attitude 

#2 —  Création pour orchestre – Artistes Associés SMAC la Souris Verte 

#3 — La Testathésis – Création participative

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